On sait que beaucoup a été fait entre 1880 et 1900 pour faire face à l’insuffisance, le surpeuplement et le délabrement des lycées de la capitale – étant entendu de surcroît qu’un effort sans précédent a également été entrepris à la même époque pour la construction des lycées de jeunes filles. Et cette politique très volontariste a été menée à bien dans le dernier quart du XIXe siècle, malgré les péripéties d’ordre financier ou encore d’ordre foncier et immobilier qui n’ont pas manqué entre l’État républicain nouveau et la Ville de Paris pour la réalisation de plusieurs de ces établissements d’enseignement secondaire.
Pour ce qui est du lycée Buffon, sa localisation dans la partie ouest de la rive gauche de Paris résulte des réflexions entreprises par les premiers gouvernements de la IIIe République dans le cadre de ce que certains ont appelé « la grande période de l’instruction publique ».
On retiendra aussi que c’est à la volonté politique et à l’énergie administrative de quatre personnalités, qui sont intervenues à des degrés divers dans sa création, puis de sa réalisation :
- Jules Ferry d’abord, ministre emblématique de l’Instruction publique de février 1879 à novembre 1883, à qui l’on doit les lois réformant l’enseignement en France;
- Octave Gréard, vice-recteur de Paris, qui a défini le plan de développement de l’enseignement secondaire pour la capitale :
pour les garçons, reconstruction de Louis-le Grand, construction de Janson-de-Sailly, agrandissement de Saint-Louis et création de 3 nouveaux lycées – à l’est de Paris (Voltaire), au nord-ouest (Carnot) et au sud-ouest (à localiser dans le XVe arrondissement… futur Buffon)
pour les filles, création de 2 nouveaux lycées (Molière et Fénelon); - Eugène Poubelle, préfet de la Seine entre octobre 1883 et mai 1896) qui, au nom de la Ville de Paris, négocia et signa la convention liant l’État et la ville pour la réalisation du lycée dans le XVe arrondissement – convention financière stipulant notamment que la Ville demeurait propriétaire du terrain et des bâtiments, et que ceux-ci étaient loués à l’Etat pour être perpétuellement affectés à usage scolaire;
- Armand Fallières, ministre de l’Instruction publique de novembre 1883 à avril 1885 (dans le gouvernement présidé par Jules Ferry) qui signa la convention en 1884 la convention avec la Ville de Paris… puis, de nouveau ministre entre février 1889 et mars 1890, qui contresigna le décret du Président Carnot du 8 août 1889 – autorisant « l’ouverture du lycée Buffon à Paris ».
Texte du décret du 8 août 1889
16 boulevard Pasteur… cette adresse qui a drainé tant et tant de lycéens (on dit aujourd’hui plutôt, tant et tant de collégiens et de lycéens) n’était pourtant pas au départ celle qui avait été envisagé à l’origine, et pour un lycée qu’on ne prévoyait pas même alors de nommer Buffon !
Quand, en 1880, le vice-recteur Octave Gréard proposa que soit entrepris la construction d’un nouveau lycée de garçons pour la rive gauche de Paris, c’est vers des terrains situés dans le prolongement de l’avenue Duquesne que le projet est d’abord envisagé. Mais des difficultés d’expropriation, autant que les réticences de la Ville de Paris - peu encline à partager avec l’Etat toutes ses compétences en matière d’architecture scolaire, retardent les opérations et le projet dit « de l’avenue Duquesne » est abandonné en fin 1883.
Dès 1884, une convention est conclue entre l’État et la Ville pour la réalisation de ce « lycée nouveau de la rive gauche » sur un autre terrain proposé par la Ville – celui-là même de l’emplacement actuel ! – qui est à l’époque un dépôt de pavés situé le long du boulevard de Vaugirard… dans cette portion qui deviendra, en 1896, le boulevard Pasteur.
Que nous apprend en effet l’histoire du XVe arrondissement… avant même la création dudit arrondissement ? Avant 1860 son territoire était principalement celui de la commune de Vaugirard. C’était notamment le cas du site du lycée qui s’étendait alors entre les deux voies principales du village, c’est-à-dire la Grande Rue (aujourd’hui rue de Vaugirard) et le chemin de Sèvres (actuelle rue Lecourbe), à la limite avec Paris matérialisée par le mur des fermiers généraux (dont la ligne 6 du métro suit le tracé).
Mais avant la construction du lycée ce terrain était utilisé par un dépôt de pavés, lui-même installé à l’emplacement d’un ancien cimetière !
Petite histoire du cimetière de Vaugirard
Construit entre 1884 et 1889 par l’architecte Emile Vaudremer, le lycée Buffon est situé en limite nord-est du XVe arrondissement et son emprise est délimitée aujourd’hui par le boulevard Pasteur, la rue de Vaugirard et la rue de Staël – sa limite ouest étant adossée à un groupe d’immeubles donnant sur la rue Lecourbe.
Les articles de l’époque attestent de l’intérêt marqué pour sa conception et sa réalisation.
La Construction Moderne – 1889
Encyclopédie d’architecture – 1891
Ces articles trouveront leur écho dans tous les articles ou rubriques publiés depuis lors, ainsi qu’en atteste cet extrait de l’ouvrage « Le lycée parisien – Trente « palais » retrouvés », paru en 2015 aux éditions du Mécène, sous la signature d’Édith de Cornulier et Dominique Le Brun.