La création du lycée Buffon au début de la IIIe République s’inscrivait dans un mouvement plus large de multiplication des lycées parisiens. Le lycée constituait alors une filière d’éducation complète, pour les enfants de 10 à 17 ans et même pour les plus jeunes (le « petit lycée »), menant au baccalauréat et à la préparation aux concours des grandes écoles.
Le lycée, enseignement payant (jusqu’en 1933) mais fondé par l’Etat, était donc une voie parallèle, et non consécutive, aux écoles primaires (et primaires supérieures) des municipalités ou aux collèges créés par les communes ou par des institutions privées – souvent des congrégations.
Destiné aux familles du sud-ouest parisien, ce nouveau lycée de garçons fut conçu dès le départ comme un établissement sans internat, contrairement aux autres lycées de la rive gauche.
Buffon : classique et moderne
Il fut également décidé que ce lycée offrirait aussi bien un enseignement classique, centré sur les lettres, le latin et le grec, que l’enseignement spécial, rapidement rebaptisé « moderne », qui donnait plus de place aux sciences et aux langues vivantes.
Cette double vocation pédagogique était originale : à titre de comparaison, Henri IV et Louis-le-Grand ne proposaient que l’enseignement classique, tandis que le nouveau lycée Voltaire, pendant de Buffon pour l’est de Paris, ne devait proposer que l’enseignement spécial.
Cette ouverture à l’enseignement moderne se refléta dès l’origine dans l’architecture du lycée Buffon, dont les amphithéâtres de sciences comme les salles de manipulation ou de dessin étaient particulièrement novateurs pour leur époque.
Tout en rivalisant avec les établissements plus anciens dans la filière classique, le lycée Buffon se distinguait aussi par son ouverture à l’innovation pédagogique. Il fut par exemple le premier lycée de France à étendre l’étude des langues vivantes au russe dès 1892. Et ses professeurs comme leurs élèves participèrent directement au développement des sports modernes en France.
Dans un autre domaine, plus d’un siècle avant l’ouverture au collège Buffon d’une UPI (Unité pédagogique d’intégration) - devenue ULIS (Unité localisées pour l’inclusion scolaire) Troubles de la fonction visuelle, le premier élève atteint de cécité, Pierre Villey, fut scolarisé dès les années1890 à Buffon où il entama son brillant parcours.
Buffon : de lycée à cité scolaire
D’une manière générale depuis 1889 l’organisation pédagogique du lycée Buffon a suivi les évolutions du système national d’éducation secondaire.
En 1890, une réforme introduisit entre autres deux spécificités françaises qui ont perduré : la notation sur 20 points et la numérotation décroissante des classes de la sixième à la première. En 1902 une nouvelle réforme introduisit l’égalité entre les bacs, désormais divisés en quatre sections, avant le passage à trois séries en 1927, la nouvelle division en quatre sections en 1968, le remplacement des filières (A, B, C, D…) par les séries (L, ES, S) en 1994 et finalement les enseignements de spécialités au choix pour les premières et les terminales en 2019.
L’alignement progressif des différentes voies d’éducation a conduit à désigner à partir de 1960 par collège les classes de la sixième à la troisième et à réserver le nom de lycée aux classes de seconde et au-delà, le petit lycée qui correspondait à l’enseignement primaire disparaissant à la même époque.
C’est ainsi que le lycée Buffon est devenu le collège et lycée Buffon, puis la cité scolaire Buffon.
Buffon : d’abord pour les garçons, puis lycée mixte
Une autre mutation s’est opérée au XXe siècle : la transformation du lycée de garçons en lycée mixte. Bien que les premiers lycées de filles (Fénelon, Racine, Molière) aient été ouverts à Paris dès les années 1880, l’absence de tels établissements dans le quartier conduisit plusieurs professeurs du lycée Buffon, poussés par la demande des habitants de l’arrondissement, à proposer la création de cours secondaires pour jeunes filles. Le projet, approuvé par le Conseil municipal en 1904, consistait à organiser ces cours dans des locaux provisoires rue Barthélémy en attendant la construction d’un nouveau lycée de filles à l’angle du boulevard Pasteur et de la rue de Sèvres. Ce dernier ne verra cependant jamais le jour, en raison sans doute de l’ouverture à proximité du lycée Victor Duruy en 1912. Et c’est finalement au centre du XVe arrondissement que fut ouvert en 1935 le lycée de filles Camille Sée.
Il faut cependant relever qu’au lycée Buffon des élèves féminines suivirent dès 1910 les cours de Mathématiques spéciales. Cette présence inédite de filles dans un lycée de garçons provoqua d’ailleurs plus d’émoi dans la presse qu’à l’intérieur même du lycée.
Mais si l’on excepte la présence de filles parmi les effectifs du petit lycée (classes primaires) dans les années 1940 et 1950, l’établissement resta un lycée de garçons jusqu’à 1970. A cette date la mixité fut introduite en classe de sixième, puis progressivement jusqu’en 1977 dans les autres classes du secondaire.